Pucette, mamange de Maël

 Hier midi, j'ai re-vécu des moments difficiles. Perdre du sang en début de grossesse. Il a fallu retourner aux urgences, les mêmes urgences que pour Maël, la même salle d'attente vide qui a toujours les mêmes affiches presque une année plus tard.

Les saignements se sont arrêtés d'eux mêmes depuis hier, mais j'ai peur. Peur de faire une fausse-couche, peur que ce bonheur si fragile s'évapore à nouveau. Tout ne tient qu'à un fil ...
La colère s'empare de moi parfois. Je veux crier à l'injustice, dire que j'ai déjà pleurer pour Maël, que ma blessure est encore à sang. J'ai envie que le bonheur perdure plus longtemps.

Ce midi, j'avais rendez-vous avec ma gynécologue en urgence. Elle date ma grossesse de 5sa / 5sa 1/2. Pour l'instant, tout lui semble "normal" à ce stade à l'échographie. Nous avons vu un sac ovullatoire et la vésicule vitelline. Pour l'instant pas d'embryon, mais pour elle, rien d'inquiétant à ce stade, il peut se cacher derrnière la vésicule vitelline.
Pour les saignements: rien. Ils se sont arrêtés, comme ils sont venus ... en un éclair. Je n'ai aucun hématome.
Alors maintenant, il y a deux hypothèses:
- soit je commence une fc
- soit j'ai saigné, elle m'a dit qu'il arrive qu'il y ait des saignements sans raison ou des raisons plus ou moins médicales (stress, infection du col, etc.)

Alors que faire ?
Je vais faire une première prise de sang cette après-midi pour vérifier le taux et une autre quarante-huit heures plus tard. Si le taux double, c'est que la grossesse se poursuit, sinon, .... ce n'est pas la peine de l'écrire.

Le plus étonnant, c'est que j'y crois encore à cette grossesse. Parfois, je me dis, j'ai tellement vécu le pire, perdre son enfant à la naissance, que je n'ose plus regarder le "pire". Je pense que le taux va doubler. J'ai l'impression que cette grossesse va se poursuivre. Mais, ce n'est qu'une impression.
Pour Maël, pendant neuf mois, j'étais quasi-certaine qu'il ne serait jamais avec nous à la maison. Malheureusement, mon impression a été la bonne. Je m'en veux même actuellement, de l'avoir pensé pendant la grossesse. Mais, c'était une idée qui ne voulait pas se détacher de moi. C'est bizarre.
Là, je suis confiante. Peut-être que je me trompe. Peut-être que je vais droit dans le mur. Mais, j'ai envie d'y croire ... encore un peu.

Le plus difficile à gérer, c'est que je suis seule cette semaine. Je vais devoir, et j'ai commencer à affronter seule l'échographie, puis les deux prises de sang. Il va falloir ouvrir l'enveloppe et retenir son souffle.

Jeudi, je serai fixer. Quarante-huit heures à attendre.

Je découvre quelque chose de nouveau. Je découvre une nouvelle facette de la grossesse. Une grossesse où je peux continuer à vivre comme avant, continuer à faire mes activités. Il s'agit de quelque chose de nouveau pour moi. Pour Maël, j'ai dû rester allonger les trois premiers mois de ma grossesse. Toujours comparer ... Mais là, même si je profite de chaque instant, j'ai l'impression de trahir mon fils. Je semble plus sereine, plus épanouie. Il paraît même qu'on l'entend au son de ma voix au téléphone.

Tous les jours, je pense à mon fils. Il me manque tellement. Ce futur enfant ne le remplacera jamais. Maël est et sera toujours notre premier enfant. Il faut juste que j'arrive à .... à quoi ? Je ne sais pas. J'ai tellement de sentiments contradictoires dans ma tête, dans mon corps.

Il y a des matins où dès que je pose un pied à terre, les idées noires surviennent. Ce matin, c'est le cas. Moins de symptômes, moins de courage, un mental un peu plus fragile et voilà, comment j'arrive à voir tout ce qui m'entoure en noir. Mais, le plus étonnant, c'est que j'y crois à cette grossesse. C'est peut-être la chose qui me fait le plus peur, qui me surprend. J'ai une confiance "aveugle", comme si intimement, je savais que tout se passera bien.
Je pense que je vis une grossesse normale, c'est-à-dire que je peux continuer ma vie, ne pas être allongée dès les premiers jours et avoir des symptômes qui varient en fonction des jours.
Il fait que je reste zen, que je garde ma ligne de conduite.

Dans les bonnes nouvelles (elles affluent en ce moment, pourvu que ça dure ...), je ne retournerai plus jamais dans mon école. Exceptionnellement, l'inspecteur départemental me donne l'autorisation de participer au second mouvement, si je n'obtiens pas de poste au premier (car étant titulaire de mon poste, normallement, j'ai le droit de participer qu'au premier). J'avoue que c'est un soulagement.
Hier, j'ai fait ma liste avec mes 25 voeux. Le poste le plus éloigné se situe à 30 km de chez nous. Et oui, le Cher étant un département si rural, que les écoles sont situées loin de Bourges. Mais, tant que je quitte ces collègues, ces parents d'élèves, je suis la plus heureuse.
Je renonce à aller en SEGPA. J'ai décidé de repousser mon projet d'un an. J'ai demandé des postes d'adjoints en élémentaire et des directions d'école.

Hier soir, plus de deux heures au téléphone avec Gaëlle. Deux heures à discuter de tout et de rien. Deux heures à refaire le monde ... comme à l'université ! Il manquait que le café et le cappuccino ...

Hier, j'ai vu ma psychologue. Je lui ai donc annoncée la nouvelle. Elle avait l'air heureuse pour moi, pour nous. Je lui ai fait part du fait que j'étais très heureuse, mais que je n'ai pas "sauté au plafond" comme pour Maël.
Cependant, cette nouvelle grossesse, je la vis autrement. Je suis beaucoup plus sereine. Je suis sûre que l'issue nous apportera un bonheur immense. Je découvre une autre image de la grossesse, pour l'instant. Celle où l'on peut se déplacer, celle où l'on n'est pas allitée les trois premiers mois. Malgré tout, je ne renie pas ma grossesse avec Maël, car elle m'a apporté également de grands moments de joie, malgré qu'elle a été un peu plus difficile.
Je savoure chaque instant. J'évite de me poser des questions qui pourraient me faire paniquer. Je savoure et je vis au jour le jour. Chaque moment est un immense bonheur à vivre, tout en pensant à Maël qui veille sur nous.
Il me manque tellement Maël. Tellement présent dans notre coeur, tellement absent à la maison.

Hier, je suis également passé à l'inspection. D'une part, pour les prévenir que je suis prolongée jusqu'aux grandes vacances. Au départ, je voulais vraiment reprendre le travail, tourner la page pour ne plus y penser. Maintenant, je me sers de ce temps pour me reconstruire, penser à moi. Je pense également que jen n'enseignerai plus de la même façon. Beaucoup de choses ont changé, je ne vois plus certaines choses comme avant.
A mon plus grand regret, je n'intégrerai pas une SEGPA à la rentrée prochaine. Le conseiller pédagogique, malgré mes très bons rapports, me trouve trop fragile, suite au décès de Maël, pour y aller. Je ne suis même pas jugée sur mes compétences, mais sur ma vie privée ... Ce n'est pas grave. Je n'ai pas envie de vivre une année difficile, où l'on me reproche mon choix. Non, je vais repousser mon projet d'un an. Je vais demander une nouvelle école.