Nous sommes bientôt au mois de juillet. Je ne pensais pas que j'arriverais à survivre aussi longtemps. Hier,j'ai craqué. Depuis longtemps que je n'avais pas "autant" craqué. Une vraie crise d'angoisses sur cette grossesse, sur la rentrée scolaire, des reproches à mon mari et mon entourage absent. Je crois que tout le monde en a pris pour son grade. La crise a débuté samedi soir, car l'hématome s'est "vidé" une nouvelle fois. Je sais qu'il faut que le vieux sang s'évacue, je le sais, ma gynécologue m'avait prévenue que parfois le vieux sang se vide comme "des poches" et je l'ai vécu pour Maël. Mais, cet événement a été la petite goutte d'eau qui a fait déboder le vase.
Et puis, depuis hier soir, j'arrive à reprendre le dessus. J'intériorise tellement de choses que je pense qu'à partir d'un certain point, je n'arrive plus à contrôler mes sentiments.
Actuellement, je n'ai aucun projet. Moi, qui déborde toujours d'idées, qui adore lire, me cultiver, fouiner et bien là, rien. Rien n'attire mon attention, rien ne me donne envie de m'impliquer. Avant le décès de Maël, j'avais pleins de projets de personnels:
* passser l'agrégation d'histoire: mais, plus le temps passe, plus je pense que je n'ai pas le niveau;
* me présenter au master 2 pour faire un mémoire sur l'Antiquité grecque: je suis trop âgée maintenant;
* écrire un album historique pour enfant: complètement utopique, le marché est saturé et je ne pense pas être une "personne" si exceptionnelle pour réussir;
* partir enseigner en Grèce pendant 2/3 ans: utopique.
Pour conclure, à part être enseignante, je ne sers à rien. Et encore, je demandais à mon mari, hier soir, s'il pensait que j'étais une "bonne" enseignante. J'ai l'impression que les parents ne sont jamais satisfaits de mon travail ... et je m'investie dans ma classe.
Il y a dix ans, je passais mon bac. J'avais 17 ans et j'étais tellement, tellement ... je ne savais rien de la vie. Je me rends compte que même à la fac, je n'ai jamais donné le maximum de moi-même. Je travaillais juste assez pour m'assurer 12 de moyenne jusqu'en licence. Et encore, j'ai réussi à valider mon Deug 2 et ma licence la même année. J'ai dû me présenter aux rattrapages de Deug 2, car je me suis retrouvée avec 09,98 de moyenne à la fin de l'année .... et une charmante enseignante, incompétente en art de l'antiquité grecque, a plombé mon rattrapage. Du coup, pas assez de points pour valider le Deug 2 ... mais trop pour refaire une année. Ils m'ont fait passer en Deug 2 / Licence. Je suivais les deux modules où j'avais échoué (j'ai changé le premier, je n'ai pas repris histoire de l'art grecque) en Deug 2 et les cours de Licence. En parallèle, je travaillais comme surveillante. Et, j'ai réussi tout du premier coup. L'année suivante, je me suis lancée à corps perdue dans ma Maîtrise.
Dix ans plus tard, mon frère se présente au bac. Je suis mariée, mamange de Maël et professeure des écoles. Je vis à Bourges. J'ai gardé ma meilleure amie de l'Université.
Depuis, ce midi, j'ai une expression qui court dans ma tête: "choisir, c'est renoncer". Je me demandais si on est obligatoirement obligé de "renoncer" même si on fait un choix. Parfois, la vie nous impose des choix, sans pour antant que l'on souhaite "renoncer" à d'autres projets.
Je pense que c'est bien la première fois de ma vie que je me pose autant de questions. Je me sens si fatiguée. Je ne me reconnais même plus dans un miroir. J'ai les traits si marqués, j'ai des cernes. Rien ne me touche, rien ne me fait vibrer. J'ai l'impression d'être devenue insensible au monde qui m'entoure.
Et pendant que je me pose des millions de questions, "petite crevette" continue grandir, parce que malgré mes doutes, mes peurs, mes angoisses, je pense qu'elle va bien.
